Dans l’horizon de la vie, les salariés ne sauraient se passer de l’édifice institutionnel dont la fonction essentielle consiste dans la garantie des conditions symboliques leur permettant de se prémunir de l’abîme qui guette l’humanité au travail.
L’abîme ? Le suicide au travail, ultime acte dans une chaîne de désastres subjectifs aux contours imprécis, en est aujourd’hui l’expression la plus criante.
Lorsque médusés par les manoeuvres gestionnaires, l’État, les partis, les syndicats tâtonnent, ne sachant pas à quel orient il faut se diriger, dans la bouche du Moloch managérial les travailleurs – toutes catégories confondues –, sans garde-fou, s’anéantissent sous une forme ou une autre.
Les abysses s’ouvrent et aspirent les humains quand la logique de pouvoir aidée des nouvelles technologies et libérée de ses entraves institutionnelles investit le travail lui - même, brisant les lignes de protection qui, hier encore, rendaient possible l’activité et maintenaient les sollicitations exorbitantes adressées aux travailleurs à distance raisonnable.
Quant à l’intouchable – le corps ouvert à la puissance de la pensée – à partir duquel se manifeste l’existence dans le travail, c’est à lui que les nouvelles manoeuvres s’en prennent, comme cela n’a jamais été envisagé.
Les anciennes lignes ne seront pas rétablies dans un contexte où s’est asséchée la source sociale et politique qui les maintenait actives. De nouvelles lignes sont à imaginer. C’est pourquoi le dilatoire ne laisse de surprendre.
Aborder la question de la dramaturgie discursive et organisationnelle mettant en scène la démolition des digues symboliques – à l’abri desquelles s’actualise la présence pleine des hommes dans le travail – sous la forme de ce qui assure l’accroissement d’une force pourtant chimérique, c’est là sans doute la tâche immédiate qui s’impose à tous, au-delà des formules conjuratoires et des pratiques inconsidérées.
LeCERAT, lieu de recherche et d’enseignement, inscrit ses interventions dans cette perspective.
Sidi Mohammed BARKAT Enseignant-chercheur Responsable du CERAT mai 2013